Pour ceux qui ont connu le siège de Sarajevo, les images vues au journal de 20h ce soir ont une étrange familiarité. Encore une fois des villes se retrouvent sous le feu de belligérants espérant que la pression sur la population civile leur donnera raison.
Le bombardement systématique de Stepanakert par les forces de l’Azerbaïdjan a reçu en réponse une salve de missiles, probablement arméniens, tombée sur la deuxième ville d’Azerbaïdjan, Gandja.
Dans de telles circonstances, la distance aidant, il serait très tentant de renvoyer dos à dos les deux belligérants. Cependant il y a deux raisons qui devraient nous rendre très attentifs à ce qui se passent là-bas.
D’abords, les capacités de frappes à distances des deux pays sont telles que des pipelines qui alimentent l’Europe en hydrocarbure sont à portée de tir. Une pierre de plus dans le jardin de Poutine qui n’avait vraiment pas besoin de cette complication sur son flanc Sud. Et un impact direct sur nos approvisionnements à l’approche de l’hiver.
Ensuite parce que ce qui a fait monter la température est l’implication très nette de la Turquie au côté de l’Azerbaïdjan. Le président Erdogan avait promis d’aider à la reconquête du Haut-Karabakh. Il semble qu’il soit passé de la parole aux actes en faisant envoyer sur place au moins ses supplétifs Syriens. Des accusations arméniennes parlent aussi de fourniture d’armements et d’appui au commandement. Ces points sont moins bien vérifiés pour le moment.
La dérive du pouvoir turc est de plus en plus inquiétante. Elle devrait inciter les Européens à prendre des mesures. Si nous faisons le résumé de ce qui se passe en Turquie depuis quelques années se qui se dessine devrait nous alarmer.
La reprise en main de la société turque qui pousse à faire taire toute voix dissidente ne suffit pas à assurer la stabilité du gouvernement. Il a donc logiquement commencé une fuite en avant avec son intervention en Syrie. Cette intervention lui a permis de récupérer des forces islamistes et à se poser comme porte drapeau de l’Islam. En fait, le président Erdogan semble vouloir réactiver l’imaginaire de l’empire Ottoman. Comme Benito Mussolini l’avait fait avec l’imaginaire de l’empire Romain.
La Lybie a été l’étape suivante avec la première tentative de projection de ces milices en dehors du théâtre d’opération syrien. Les Russes, qui ne devaient pas se douter de la suite, y ont aussi participé avant de se raviser.
L’été a permis de voir que la flotte turque ne craignait plus de connaître une nouvelle bataille de Lépante et n’a eu de cesse de provoquer la marine grecque. Et maintenant c’est au tour de l’Arménie de sentir ce réveil ottoman.
Ces manœuvres guerrières sont appuyés par un maillage très inquiétant de la diaspora turque en Europe. Peut-être avez-vous été étonné qu’au même moment où l’offensive commençait au Haut-Karabakh, certains se réveillaient en France pour signaler la situation catastrophique des droits des Ouigours. Etonnement d’autant plus forts que cette situation était dénoncée par des gens silencieux sur le sujet en octobre dernier au moment où la pression internationale se renforçait sur la Chine à ce propos. De quoi se demander d’où vient leur brusque réveil pour la minorité turcophone chinoise….
Si le gouvernement Français avec sa loi sur les séparatismes vise « l’Islam consulaire » ce n’est pas un hasard. La Turquie est le pays qui compte le plus grand nombre d’Imam détaché en France. Il apparaît de plus en plus qu’ils servent de relais à l’AKP pour passer les « bons messages » à la diaspora turque.
Il est urgent que les armes se taisent au Haut-Karabakh. Les bombes ne discriminent pas entre les civils et les militaires. Mais pour cela, il est nécessaire de frapper à la bonne porte. Et, ce n’est pas à Erevan ni même à Bakou qu’il faut demander.
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