En mémoire des enfants du Vel’ d’Hiv’

Je me demande s’il faisait chaud ces jours-là. Et, comme beaucoup, je me demande comment j’aurais réagi si la police était venue chercher les voisins. Ou bien s’ils étaient venus me chercher moi et ma famille.

C’était il y a 75 ans. Si loin et pourtant si proche. Les humains n’ont pas tellement changé. Depuis l’expérience de Stanford, on sait que des gens tout à fait normaux peuvent devenir les pires tortionnaires. Hannah Arendt en a même expliqué le fondement : la banalité du mal.

Les hommes, les femmes et les enfants qui ont été raflés les 15 et 16 juillet ont été désignés par la France. Ils ont été enlevés et séquestrés par la France. Et c’est la France qui les a livrée aux nazis. C’est un fait entendu depuis la déclaration historique du président Jacques Chirac. A peine une centaine de survivant sur les treize mille raflés. Aucun enfant n’a survécu.

Mais ces décisions et ces actes ont été portés par des hommes. Des hommes qui n’ont pas refusés ce rôle. Des hommes qui ont fait si peu pour gêner la machine. Bien sûr certains ont été jugés. Le préfet de police Émile Hennequin a été condamné à 8 ans de travaux forcés à la libération. Il fut gracié un an plus tard. Pierre Laval a été fusillé. Jacques Doriot, lui, est mort dans un mitraillage en Allemagne où il avait suivi les troupes allemandes.

Mais René Bousquet a échappé à l’épuration et a été assassiné par un raté avant que son procès ne puisse se tenir. De même Jean Legay mourut avant son procès. Mais André Tulard ? Il n’a même pas perdu sa légion d’honneur. Et les chevilles ouvrières de cette organisation ont échappé à tout procès. Car il faut des gens pour donner des ordres, organiser les camps et en assurer la logistique.

La France reconnaît sa culpabilité mais je n’ai pas entendu parler d’une enquête sérieuse pour établir toutes les responsabilités. Pas de commission d’enquête pour dire qui a fait, qui a porté ces actes.

Non pas que je veuille m’instituer procureur dans une affaire dans laquelle je n’ai aucune légitimité. Mais je ne peux accepter que mon pays, et donc moi-même, soit considéré comme coupable d’un crime sans en connaître toutes les responsabilités.

Il faut la mémoire. C’est important. Mais il faut la justice aussi. Car qu’est-ce que la mémoire sans la justice ? De quoi faisons-nous mémoire si nous oublions qui a porté ces actes et si nous ne mettons pas une bonne fois pour toute au jour tous les faits ?

Si je dois léguer cette douloureuse mémoire à mes descendants, je leur dois une mémoire complète. Ce ne sont pas des fantômes qui ont agi mais des êtres de chair et de sang. Même si comme le soutien Hannah Arendt, beaucoup ont cédé à la banalité du mal, c’est justement pour établir cette banalité que la justice prend du sens.

C’est en ayant une plaine connaissance de la mécanique de déshumanisation que nous pourrons garder une mémoire utile pour les générations futures. C’est la méconnaissance qui permet la reproduction.

Pour que plus jamais des enfants soient enlevés un jour d’été pour être engloutis dans une nuit étouffante.

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