Un si petit ennemi

Dans La Supplication, Svetlana Alexievitch faisait parler ceux qui avaient vécus de près ou de loin la catastrophe de Tchernobyl. Tous racontaient cette atmosphère absurde qui avait poussé les autorités à déclarer la guerre à la radioactivité.
Les Russes, avec cet héroïsme inscrit dans leur histoire, s’étaient jetés à l’assaut de la centrale avant de réaliser qu’il n’y avait pas d’ennemis. Juste un mal pernicieux qui les rongeait et les dévastait de l’intérieur.
Nous, Français, devrions faire attention à cet exemple. Par six fois, notre président a déclaré que nous étions en guerre. Les soignants, les policiers, les personnels de ménages et bien d’autres sont donc propulsés dans le rôle de soldats en première ligne.
Mais là aussi, il n’y a pas d’ennemis visibles. Là aussi, le mal est pernicieux et nous ronge de l’intérieur. Ce que les Russes ont vécus comme remise en cause d’eux-mêmes, nous allons le vivre aussi.
Car le front n’est pas à l’extérieur contre un ennemi venu d’ailleurs. Le front est en nous-même. Nous devons apprendre à nous battre contre nous-même.
Nous devons apprendre à prendre soin des autres en agissant sagement. Nous devons arrêter d’essayer de trouver ces petits arrangements pour éviter de nous soumettre à la loi. Car cette loi là est gardée par le pire cerbère qui soit. Avec ce virus, la moindre erreur, le moindre retard se paye au prix du sang. Tous ne mourront pas, mais tous seront atteint.
Il ne sert à rien d’encenser les personnels soignants, si on continue de se balader comme si de rien n’était. Pourquoi demander plus de fermeté des forces de l’ordre, quand on se sauve des villes au risque de propager le virus dans des zones indemnes jusqu’ici ?
Si guerre il y a, votre ennemi n’est pas un virus. Si guerre il faut mener, c’est contre vous-même, votre égoïsme.
Je ne crois pas à la rhétorique guerrière. Elle est simple certes. Mais elle vous trompe.
Cette crise, si nous devons la surmonter en tant que Nation, est avant tout l’occasion de revenir sur soi-même. De se demander quel est son rôle vis à vis de son prochain. Et, surtout, de se préparer quand le moment sera venu de repartir ensemble pour refaire ce que ce virus aura détruit.

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