Vatican : aller vers la paix avec le retour des enfants ukrainiens

Alors que le retour des enfants ukrainiens déportés en Russie reste l’un des points les plus sensibles et symboliques du conflit, le Vatican semble s’imposer comme l’un des rares médiateurs capables de faire bouger les lignes. Derrière sa façade minuscule et ses moyens limités, le Saint-Siège déploie un pouvoir singulier, non coercitif mais profondément politique : celui de la parole morale, du dialogue constant et de la diplomatie de confiance.

Depuis le début de la guerre, le pape François puis aujourd’hui son successeur, Léon XIV, ont placé la protection des plus vulnérables au cœur de leur action. Si François avait, parfois, brouillé le message par sa prudence dans la désignation du coupable, Léon XIV a rapidement clarifié la position du Saint-Siège : la Russie est désignée comme agresseur, et la situation des enfants déplacés est une priorité humanitaire absolue.

Dans un monde où les chancelleries peinent à trouver des canaux fiables pour discuter avec Moscou, le Vatican maintient un réseau de dialogue souterrain, à la fois diplomatique et spirituel. La Secrétairerie d’État, dirigée jusqu’à récemment par le cardinal Parolin, a multiplié les contacts avec les églises orthodoxes locales, les responsables russes et ukrainiens, et les intermédiaires internationaux, notamment la Croix-Rouge et les ONG confessionnelles.

C’est précisément cette discrétion, couplée à une autorité morale qui transcende les blocs géopolitiques, qui a permis au Saint-Siège d’engager des discussions sur le retour des enfants. Le Vatican n’a pas l’autorité de forcer un rapatriement, mais il dispose d’un pouvoir d’intercession unique : auprès des responsables orthodoxes russes, qu’il traite en égaux ; auprès des dirigeants occidentaux, à qui il rappelle que le droit humanitaire n’est pas négociable ; auprès de l’opinion publique mondiale, qu’il peut mobiliser par des prises de parole symboliques.

Le fait que cette question figure désormais comme un préalable implicite à toute avancée vers la paix est en grande partie lié à cette insistance pontificale. Car le retour des enfants ne constitue pas seulement une exigence morale : il est devenu un test politique. Aucun cessez-le-feu crédible, aucune conférence internationale ne pourra s’ouvrir sans progrès sur ce point. C’est là que l’action du Vatican prend tout son sens : elle lève un verrou émotionnel et symbolique, sans lequel aucune solution durable ne peut être envisagée.

Le pontificat de Léon XIV, premier pape américain, inscrit cette démarche dans une vision plus large : une Église qui « construit des ponts » et s’engage, non pas dans les jeux d’influence traditionnels, mais dans la protection active des innocents. L’enlèvement d’enfants, crime insupportable dans toutes les cultures, permet au Saint-Siège de rappeler, au-delà des appartenances, une exigence de justice universelle.

Ce rôle du Vatican n’est pas marginal. Dans un conflit de plus en plus gelé sur le plan militaire mais encore brûlant sur le plan humain, les marges de manœuvre se déplacent vers les symboles, les gestes, les médiations informelles. Là où les États cherchent l’équilibre des forces, l’Église cherche le point d’équilibre moral. C’est peut-être moins spectaculaire, mais c’est parfois plus déterminant.

Et si, à la fin, la paix devait commencer non pas par un traité, mais par le retour d’un enfant à sa mère ? Si tel est le cas, alors le Vatican, par sa persévérance, aurait posé la première pierre de la réconciliation.

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