Domination et séduction : l’illusion collective

« Il aidait ses amis jusque dans leurs entreprises injustes »

Plutarque – Vie d’Agésilas

Il y a des événements auquel il est difficile d’échapper et après tout tant mieux. L’arrestation du président du FMI au motif d’une agression sexuelle fait partie de ces événements.

Entendons nous tout de suite sur quelques points : je n’ai aucune information me permettant de mettre en doute la version de la présumée victime ou du présumé coupable. Je reste donc dans l’expectative avec la seule certitude qu’il s’est passé quelque chose dans cette chambre ce samedi midi et que seul un long, et pénible, procès sera capable d’en donner une version qui tienne.

Ce qui a été d’entrée de jeu troublant dans cette affaire ce furent les réactions. Passe encore que les Strauss-Khanien fanatiques défendent bec et ongles leur futur ex-candidat. Mais entendre une autorité morale comme Robert Badinter, ou intellectuelle comme Sylviane Agacinsky se focaliser sur le traitement de Dominique Strauss-Khan, oubliant la femme de chambre, a quelque chose de troublant. Passons aussi sur les réactions quasi ordurières de messieurs Lang et Khan. L’hémiplégie est inquiétante de leur part que l’on se sent obligé de rappeler que si elle dit vrai ce qu’elle a subit est infiniment pire

D’entrée de jeu, M. Strauss-Khan nous a été présenté comme un grand séducteur, un homme à femme, et donc certainement pas comme un violeur. Seulement la légende du grand séducteur s’étiole petit à petit. Sans fouiller dans les poubelles, on peut rappeler le billet de  Jean Quatremer, journaliste à Libération, qui le classait dans les dragueurs lourds. Cet billet avait entraîné des pressions de l’entourage de M. Strauss-Khan pour qu’il le corrige. On est déjà loin du grand séducteur mais pas dans le violeur. L’autre point troublant est la fameuse lettre de la jeune femme avec laquelle M. Strauss-Khan a eu son aventure au FMI. Tout en louant sa grande compétence, elle signalait quelle avait fini par céder à ses avances suite à son agressive insistance et de son utilisation de sa position hiérarchique.

Là le portrait change radicalement, nous ne sommes plus devant un grand séducteur mais quelqu’un qui utilise sa position de pouvoir pour arriver à ses fins.

Cette lettre a entraîné des mesures strictes au FMI. La mesure la plus symbolique a été qu’il ne devait plus rester seul avec une femme dans les bureaux du FMI porte fermée. Le sketch un peu lourd de Stéphane Guillon apparaît dès lors comme en dessous de la réalité. Il était donc de notoriété publique que M. Strauss-Khan avait un problème avec les femmes.

Alors pourquoi cette cécité collective ? Car Dominique Strauss-Khan présidentiable, que nous votions ou pas pour lui, nous y avions tous cru.

L’accusation facile serait de tout mettre sur le dos des journalistes. Ils ont été très léger c’est un fait mais nous ? Voulions nous qu’ils creusent plus? Je ne crois pas : les Français ont une représentation de la séduction trop lié au pouvoir pour se formaliser de ces excès là.

Rappelons nous que nous sommes dans un pays où une femme se fait violer tout les quart d’heure et où très peu porte plainte. Pourquoi ?

Parce que dans notre culture, c’est normal qu’une femme dise non et que l’homme n’en tienne pas compte. Parce que chez nous quand un prof d’université met la pression sur une de ses élèves, ou un chef sur une de ses subordonnées, pour coucher avec elle, nous classons ça plus aisément dans la séduction, ou la drague, que dans le harcèlement.

Très rapidement on assimilera un violeur à un pervers, or un violeur c’est un peu monsieur tout le monde hélas. Pour vous en convaincre, représenter vous le nombre de femme violée chaque année en France : 75 000 femmes. Imaginez-vous que nous serions dans un pays où autant de pervers serait en liberté ?

La plupart sont des monsieur tout le monde qui n’ont pas su s’arrêter. Le taux de récidive faible, quoi qu’on essaye de vous faire croire, de ce genre de criminels le montre assez clairement. Une fois les idées bien remise en place, ils ne recommencent pas. Nous pourrions alors regretter que l’apprentissage du respect ne se soit pas fait avant pour éviter ce gâchis de deux vies : celui de la victime et du coupable.

J’aimerai citer la très belle phrase de Denise Bombardier à propos de cette affaire : « Réalisez vous que le silence ne profite qu’aux puissants ? » Cette phrase est sans doute la plus juste que nous puissions dire sur cette affaire. Le silence, le fait de laisser passer des attitudes de plus en plus déplacées, aide à laisser croire que l’on peut tout faire et que tout est acceptable.
Denise Bombardier par franceinter

J’en viens à espérer que cette affaire aide chacun à faire cet examen de conscience et à rompre le silence. Qu’au moins cette affaire apporte du positif à notre pays.

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