En ce moment le landerneau médiatique bruis des rumeurs du « lâchage » éventuel de M. Proglio par le gouvernement. Outre que, si lâchage il y a, il ne s’agirait en fait d’arrêter que ce qui apparait comme insoutenable pour l’opinion publique, on peut se poser beaucoup de questions sur la manière dont toute cette affaire se déroule et les messages que cela envoi.
Car enfin, ce Monsieur très honorable n’est pas un voleur de grand chemin. Sa rémunération chez Veolia, il ne l’a pas fixée mais elle a été votée par un conseil d’administration. Sa nomination à la tête d’EDF a été négociée avec un gouvernement qui était à la fois pleinement conscient de sa double casquette et de sa rémunération. Et enfin, cerise sur le gâteau de la démocratie représentative, ce monsieur s’est aussi expliqué de sa situation devant les commissions ad hoc des deux assemblées.
Mais las ! Le peuple ronchonne, le peuple grogne et le fait savoir par tous les moyens. Cela gêne et sous la contrainte électorale, devant la connerie générale comme le dit M. Santini avec cette élégance qui le caractérise, un geste est fait. Geste très symbolique cependant car portant sur quelques 400 mille euros et préservant la retraite chapeau du sieur portant sur un montant de 13 millions d’euros. Comme il le dit si bien lui-même, dans cette période difficile pour beaucoup on peut comprendre que cela choque.
Ce qui est intéressant est d’analyser les arguments qui ont pu être donné pour justifier ces rémunérations pharaoniques. Elles sont de deux ordres, la première la comparaison et la deuxième la menace.
La comparaison tout d’abord. Il s’agit de minimiser les gains de ces messieurs, les femmes étant pour le moment écartées de ce milieu très fermé, en les comparant à ceux des artistes et des sportifs. C’est oublier que dans ces domaines règne en seul maitre le talent. Une baisse de forme créatrice, une bête blessure et le héros d’hier descend irrémédiablement aux enfers de l’oubli. Pour eux ni golden parachute, ni retraite chapeau. Un artiste qui a connu son heure de gloire n’a très souvent pour se refaire que le vague espoir d’un retour de nostalgie. Un sportif blessé qu’une reconversion dans l’encadrement sportif. Et encore, ce n’est pas à la portée de tous.
La menace ensuite est de voir ces gens absolument uniques fuir à l’étranger pour obtenir des rémunérations dignes d’eux. Ma première remarque est qu’il est étonnant qu’aussi peu de ces génies ne nous a été déjà débauchés par des sociétés américaines qui savent si bien valoriser ces talents. Faut-il y voir une nouvelle marque de l’anti-France si virulente outre-Atlantique ? Je remarque aussi le très petit nombre de femme. Faut-il se résoudre à admettre que la qualité qui fait de vous un « super dirigeant » n’est majoritairement possédée que par le sexe fort ?
De mauvaises langues pourraient s’imaginer que ces postes ne s’obtiennent finalement que par cooptation au sein d’un cercle très fermé de gens issus des mêmes milieux. Mais foin de basses polémiques, admettons qu’il existe cette caste essentiellement masculine de gens particulièrement doué capable de faire gagner leur entreprise.
La question se pose alors de savoir comment rémunérer justement des talents aussi rares. Car aussi démesurée que peut sembler la rémunération d’un artiste ou d’un sportif, je peux constater l’efficacité de son travail tous les jours. Je peux douter des qualités artistiques d’un Johnny Halliday, mais puis-je contester sa capacité à émouvoir des foules par la seule force de son aura ? Je peux ne pas aimer le football mais puis-je contester les performances d’un Nicolas Anelka ?
Mais, me direz-vous, il suffit de regarder les performances des entreprises que ces gens dirigent ! Elles parlent d’elles-mêmes. Oui, hélas. Comme le remarque Martin Hirsch, les entreprises qui ont connu la meilleure performance boursière sont celles dont les patrons sont les moins bien payés.
Le monde continue de tourner mais après nous avoir promis durant toute l’année 2009 que le capitalisme allait changer, il serait peut-être temps de commencer à le faire changer. Et pourquoi pas en fixant une règle limitant les revenus ? Les gratte-ciels eux-mêmes ne montent pas jusqu’au ciel.
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