Nous sommes encore actuellement dans un entre deux entre la campagne présidentielle et celles des législatives. Je voulais profiter de ce moment pour réfléchir sur le sens des paroles qui ont été prononcées et celles qui le seront inévitablement lors des campagnes à venir.
La grogne populaire a l’habitude de dévaloriser la parole politique. La personne politique, dès qu’elle ouvre la bouche, est censée si ce n’est ouvertement mentir du moins prendre des libertés avec la réalité.
Lors de ces présidentielles, l’annonce fracassante de Mme Hidalgo aussitôt démentie sur le salaire des professeurs en a été un terrible exemple. Les positions des candidats Mélenchon, Le Pen et Zemmour à travers le temps à propos de la Russie en donnent un autre cruel exemple.
Sans vouloir défendre ces derniers, peut-être pouvons-nous leur accorder le crédit de l’aveuglement. Ils font partie de ces gens qui ont voué depuis des années une haine des États-Unis. Fondée ou non, cette haine les a sans doute poussés à considérer que les bases autocratiques du pouvoir russe n’étaient pas un problème.
Et c’est un point que je trouve intéressant sur ce qui fait la valeur de la parole politique.
J’ai eu une fois une discussion avec une députée pour laquelle j’ai un immense respect à ce propos. Mme Maud Petit a fait voter une loi que je trouve belle pour interdire les Violences Éducatives Ordinaires (VEO). Ses détracteurs, parfois de son propre parti, la caricaturaient en loi « anti-fessée ».
Pendant les longs mois où, quasi-quotidiennement, elle a dû lutter pour faire adopter cette loi, ou elle a dû franchir, une à une, les barrières dressées de l’immobilisme et du passif culturel, elle a dû faire preuve de conviction et de persévérance. Elle a dû batailler sans cesse et porter une parole pour que les choses changent pour les plus jeunes et plus fragiles d’entre nous.
Sa lutte s’est achevée avec le vote de la loi, en juillet 2019, après un discours où elle a, à nouveau, porté cette parole forte : cette parole du faible qui demande à être protégé.
Est-ce que magiquement ces violences insidieuses ont disparues de notre Société ? Non.
Et, pourtant, à bas bruit, cette loi va permettre de changer les mentalités. Petit à petit, famille par famille, il sera de plus en plus choquant de voir une violence verbale ou physique être exercée sur un enfant « à titre éducatif ».
Lors de notre conversation, je tentai de lui expliquer qu’il y avait un caractère presque fictionnel à son but au moment où elle prononçait ces mots. Elle, encore totalement habitée par la sincérité de son combat, me répondait que non, et que bien avant la promulgation du texte les choses avaient déjà commencé à changer.
Ma conclusion, à ce propos, est que la parole politique, et la loi qui en découle, ne sont pas magiques. Elles ne transforment pas le monde complètement. Mais cette parole est un ferment qui oriente, participe et accélère le changement du monde. C’est ce qui en fait la valeur.
C’est pour cela que toute personne qui veut s’engager en politique doit avoir conscience que sa parole n’est pas anodine. Elle ressemble à toute autre parole. Mais du fait de la fonction, chaque parole politique engage et oblige. Si celui qui la prononce agit légèrement, la donne, la reprend, la transforme, il ne se montre pas seulement indigne de sa fonction. Il salit toute action politique.
Et c’est une réflexion que tout aspirant député mériterait d’avoir.
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