Que reste t’il des plages de Normandie ?

Au soir du 6 juin, le débarquement était un succès pour les troupes alliées. La seule bataille qui faillit tourner mal était celle de la plage d’Omaha. Omaha la sanglante, Bloody Omaha, avait pris un lourd tribut aux troupes américaines de débarquement.

Pour autant, les troupes anglaises malgré leurs succès n’avaient pas réussi à avancer significativement sur Caen. Il faudrait de longs et âpres combats avant que Caen soit enfin totalement libéré le 20 juillet. Et il faudra attendre la percée d’Avranches fin juillet, avec l’opération Cobra, pour que le reflux des troupes allemandes et la marche vers Paris commence.
Les Français étaient présents à travers leurs bateaux et le fameux commando Kieffer. Le contre-amiral Jaujard s’adressant à ses hommes ce jour-là leur déclara d’une voix brisée par l’émotion :

« C’est une chose terrible et monstrueuse que d’être obligé de tirer sur notre propre patrie mais je vous demande de le faire aujourd’hui. ».

Contre-amiral Jaujard cité dans « Le jour le plus long » de Cornelius Ryan

Les commandos Kieffer débarqués foncèrent sans hésitation sur le casino de Ouistreham. La mission avant tout, ils laissèrent derrière eux morts et blessés durant cette progression. Présence anecdotique par le nombre mais qui nous édifie pour notre temps.

Car que célébrons nous ce 6 juin ?

Les Anglais et les Américains débarquèrent sur notre sol autant pour nous libérer que parce qu’ils se sentaient liés à nous par un faisceau d’intérêts. Ces intérêts n’étaient pas nécessairement économiques mais aussi culturels et politiques. Ils ne concevaient le monde qu’à travers les équilibre de notre continent. Nous savons maintenant que ce n’est plus le cas.

Ne blâmez pas Donald Trump d’abandonner l’Europe. Il ne fait que dire de manière vulgaire ce que Barack Obama et sa secrétaire d’état Hillary Clinton avaient théorisés : le pivot des intérêts américains vers le Pacifique. En 1941, il avait fallu toute la force de conviction d’un Roosevelt pour déclarer aussi la guerre à l’Allemagne. Roosevelt comprenait le leadership américain comme étant légitimé par les démocraties européennes. Il n’y a plus de Roosevelt aux États-Unis.

Pour les Britanniques, la nostalgie impériale les a poussés à croire que leur avenir s’inscrivait dans le grand large. Les rêves de grandeurs, quand ils ne sont alimentés que par des fantasmes, préparent souvent de cruels réveils. Il est à craindre que dans leur splendide isolement ils ne voient des États-Unis que le dos tourné et de la Chine que le souvenir de l’humiliation des guerres de l’opium.

Nous devons avoir une pensée pour ces jeunes hommes venus trouver la mort sur une terre étrangère pour notre liberté. Nous devons avoir un respect profond pour les vétérans survivants. Notre dette pour eux est inaliénable.

En tant que Français, nous devons garder en tête ce qu’il en coûte de laisser son pays désarmé face à une menace. Comme les résistants et les Forces Français Libres, les marins du Montcalm et les hommes de Kieffer furent contraints d’ouvrir le feu sur leur propre terre. L’impréparation et la lâcheté des chefs de 1940 nous ont amené dans cette situation où notre salut n’a dépendu que de forces étrangères et de décisions terribles contre notre propre sol.

Il n’y a plus d’ennemis directement à nos portes. Et les guerres d’aujourd’hui ne se gagnent pas au canon. Mais nous devrions méditer sur ce qui a rendu le débarquement du 6 juin inéluctable et ce qu’il nous a coûté. Surtout que nous venons de connaître encore « une étrange défaite ».

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