Israël – Palestine : le silence de la peur après le fracas des armes

Bedouins in a camp in South Hebron Hills. Palestine 2011.

Israël reste hanté par le traumatisme du 7 octobre et Gaza s’effondre sous les ruines et la faim. Dans ce paysage dévasté, le texte en vingt points de Donald Trump apparaît moins comme un projet politique que comme un cessez-le-feu fragile. Entre peur, colère et désespoir, les deux sociétés semblent prisonnières d’un même vertige : celui d’un avenir sans horizon commun.

Le plan de paix élaboré par l’administration Trump, présenté comme une initiative de reconstruction et de stabilisation, repose sur une logique de gestion plus que de réconciliation. Derrière la rhétorique de la paix, il entérine un déséquilibre structurel : Israël conserve la maîtrise du territoire, des frontières et des ressources, tandis que les Palestiniens sont renvoyés à un rôle de bénéficiaires sous tutelle. Cette approche technocratique du conflit ignore les dimensions identitaires, mémorielles et politiques qui en constituent le cœur.

En Israël, l’opinion publique se divise entre ceux qui voient dans ce plan une garantie de sécurité et ceux qui redoutent qu’il ne perpétue la haine. Le gouvernement, porté par une coalition nationaliste, exploite le sentiment d’insécurité pour maintenir une unité de façade. Pourtant, les fractures internes se creusent : la défiance envers l’armée, la contestation sociale, la perte de confiance dans les institutions. La peur, devenue doctrine, structure désormais le rapport au monde et à l’Autre.

En Palestine, la situation humanitaire dépasse l’entendement. Les structures politiques sont affaiblies, les services publics inexistants, et la jeunesse, majoritaire, ne connaît que l’enfermement et la guerre. Le plan de paix, qui promet des investissements massifs et une « normalisation » progressive, ne répond pas à cette réalité de désespoir. Il ne traite ni de la souveraineté, ni du droit au retour, ni du contrôle de Jérusalem, autant de points essentiels à toute paix durable. Cette absence nourrit une méfiance profonde et renforce les logiques de résistance.

Les conséquences de cette approche sont déjà perceptibles. Le statu quo sécuritaire avantage Israël à court terme, mais il enferme durablement les deux sociétés dans une impasse. À Gaza, la dépendance à l’aide internationale remplace la politique. En Israël, la militarisation du débat public étouffe toute voix dissidente. L’absence d’un horizon partagé mine les fondations morales et psychologiques de toute paix future.

Trois types de scénarios se dessinent. Le premier est celui du gel : un cessez-le-feu prolongé où Gaza demeure sous contrôle humanitaire, sans solution politique. Le second, plus fragile, verrait une reconstruction encadrée par des puissances régionales – Égypte, Qatar, Arabie saoudite – au prix d’une paix imposée, sans réconciliation réelle. Le troisième, improbable mais nécessaire, supposerait une refondation du cadre de négociation sous égide internationale, où Israéliens et Palestiniens seraient reconnus comme partenaires égaux dans la recherche d’un avenir commun.

Une telle évolution exige un changement d’état d’esprit. Tant qu’Israël considérera la sécurité comme un absolu et que les Palestiniens ne verront dans le dialogue qu’un renoncement, aucune médiation ne tiendra. La paix n’est pas une équation à résoudre, mais une relation à construire. Elle suppose une reconnaissance mutuelle et une volonté partagée de sortir de la logique de domination.

Gaza, aujourd’hui, incarne le prix du renoncement à cette reconnaissance. Si les armes se taisent, c’est le silence de la peur, non celui de la paix, qui domine. Et tant que ce silence durera, il résonnera comme un avertissement : la paix sans justice n’est qu’une trêve entre deux désespoirs.

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