Mali, l’isolement mortifère d’une junte

Le Mali s’enfonce chaque jour un peu plus dans une impasse politique et sécuritaire. À Bamako, la junte d’Assimi Goïta, au pouvoir depuis 2020, s’accroche au pouvoir en renforçant son isolement diplomatique et en verrouillant toute perspective de retour à un processus démocratique. Loin de servir les intérêts du pays, cette logique de repli place le Mali sur une trajectoire dangereuse, faite de dépendance aux mercenaires russes et d’exactions impunies contre les civils.

Depuis 2021, la présence des supplétifs de Wagner – aujourd’hui rebaptisés Africa Corps – a accompagné les opérations de l’armée malienne. Mais ce partenariat, vendu comme une alternative souveraine aux interventions internationales, a tourné au cauchemar. Dans les régions de Mopti, Ségou et Nampala, les témoignages se multiplient : viols collectifs, enlèvements, exécutions sommaires. Des femmes peules, réfugiées en Mauritanie, racontent avoir vu leurs villages ravagés et leurs proches disparaître. Wagner, disent-elles, « ose tout ce qui est inhumain ».

Parallèlement, les groupes djihadistes n’ont jamais été aussi puissants. Le GSIM, affilié à Al-Qaida, multiplie les offensives, prend des localités stratégiques comme Farabougou, et asphyxie l’économie en incendiant des usines et en imposant des blocus à Kayes et Nioro. L’État malien, dépassé, laisse se propager la loi islamiste sur des territoires entiers, tandis que Bamako se replie derrière des discours nationalistes et des querelles diplomatiques, comme avec Alger.

Sur le plan politique, l’isolement est total. La suspension indéfinie des élections, la prolongation du mandat présidentiel de cinq ans renouvelable sans scrutin, et la répression de la société civile témoignent d’une fuite en avant autoritaire. Les ONG et l’ONU alertent sur des centaines d’exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées. La parole dissidente est muselée, les opposants arrêtés, les journalistes réduits au silence.

Économiquement, le pays s’étrangle. Les attaques contre les infrastructures industrielles – sucre, ciment, mines – détruisent les derniers poumons de l’économie nationale. Les prix flambent, les chantiers s’arrêtent, des milliers d’emplois disparaissent. Le blocus djihadiste menace même l’approvisionnement en carburant et en denrées de base.

Dans ce tableau sombre, la stratégie de Bamako apparaît suicidaire. En misant tout sur un partenariat militaire avec Moscou et en rejetant les cadres régionaux de coopération, la junte se prive de marges de manœuvre diplomatiques et condamne la population à subir le double joug de l’autoritarisme interne et de la violence des mercenaires.

Le Mali, jadis au cœur des espoirs démocratiques africains, devient un symbole tragique : celui d’un État qui, au nom de la souveraineté, s’isole, se ferme, et laisse ses citoyens livrés aux violences des djihadistes comme de ses propres alliés.

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