RDC : diplomatie triomphante, fragilité persistante

Le 25 avril 2025, un accord de paix a été signé, à Washington, entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda sous l’égide des États-Unis marquant un tournant diplomatique majeur pour la région des Grands Lacs. Pendant ce temps, à Doha, le gouvernement congolais et le mouvement rebelle M23, avec la médiation du Qatar étudient un nouveau projet de paix. Ensemble, ces deux textes visent à mettre fin à trois décennies de violences dans l’est du Congo. Mais si ces succès diplomatiques sont de bonnes nouvelles, ils ne résolvent en rien les fragilités politiques, institutionnelles et économiques du pays.

Les États-Unis ont obtenu un engagement formel de Kigali à retirer ses forces du Nord-Kivu et de Kinshasa à s’attaquer aux FDLR. De son côté, le Qatar a su convaincre le M23 d’étudier l’adhésion à un cessez-le-feu et d’accepter un processus d’intégration politique encadré. Ces avancées tranchent avec l’inefficacité notoire des processus régionaux précédents (Luanda, Nairobi), plombés par des rivalités intra-africaines et un manque de leviers réels.

Mais la RDC, elle, reste dans l’impasse. Ces accords s’attaquent aux relations extérieures du conflit, sans pour autant régler les causes profondes de la crise : un État dysfonctionnel, des institutions déliquescentes, une armée fragilisée et une économie de guerre enracinée dans le contrôle illégal des ressources naturelles. À Rubaya, dans le Masisi, le coltan est toujours extrait par des milices. À Bunagana, les circuits informels d’exportation restent actifs. Le commerce de guerre se poursuit, entretenu par les complicités internes et les appétits des puissances régionales.

Ce n’est pas seulement une guerre pour le pouvoir. C’est une guerre pour la rente. Cobalt, or, cuivre, cassitérite : les minerais de l’est congolais sont autant d’aimants attirant convoitises et violences. Le Rwanda en tire des bénéfices logistiques et stratégiques. La Chine, les États-Unis, et d’autres pays industrialisés y voient des ressources clés pour la transition énergétique. Et les entreprises minières, sous-traitantes et exploitants officiels ou non, profitent d’un système où l’impunité prévaut.

Sur le plan humanitaire, les chiffres sont accablants : 26 millions de Congolais en insécurité alimentaire, près de 8 millions de déplacés, et une économie incapable de répondre aux besoins élémentaires de la population. L’accord ne dit rien de cette réalité. Il ne prévoit ni plan de reconstruction, ni programme crédible de démobilisation, ni mécanisme de justice transitionnelle. La paix ne se décrète pas entre chancelleries — elle se construit dans les zones abandonnées par l’État.

La réapparition politique de Joseph Kabila dans les zones tenues par le M23 en est le symbole le plus éclatant : le vide du pouvoir légitime attire les anciens régimes, les nostalgiques d’un ordre violent mais structuré, et les hommes d’affaires aux intérêts bien placés. C’est dans ce désordre que prospèrent les milices, alimentées autant par la misère que par les stratégies géopolitiques régionales.

Les grandes puissances ne sont pas en reste. Si Washington a piloté un accord bilatéral, ce n’est pas par pure philanthropie : la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais stratégiques est désormais une priorité de sécurité nationale. Le projet de corridor logistique Lobito et les investissements américains dans les infrastructures régionales répondent à cette logique. Le Qatar, lui, renforce sa position d’acteur africain majeur, en investissant diplomatiquement là où d’autres reculent. Mais ni l’un ni l’autre ne proposent de refonder l’État congolais.

Ces accords, aussi nécessaires soient-ils, ne changent rien au fond : la souveraineté congolaise reste une illusion tant que l’État ne contrôle ni ses frontières, ni ses ressources, ni ses institutions. Tant que l’économie de guerre prévaudra sur l’économie du droit, la paix restera une suspension temporaire des hostilités, non une sortie durable du conflit.

Le double succès diplomatique de Washington et de Doha met ainsi crûment en lumière l’échec collectif des mécanismes africains de résolution des conflits. Mais il appelle surtout à une prise de conscience : sans refondation interne du Congo — juridique, institutionnelle, sociale —, aucune solution venue de l’extérieur ne sera jamais suffisante.

Le Congo n’a pas besoin d’être pacifié. Il a besoin d’être reconstruit.

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