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« Le Pape ? Combien de divisions ? » demandait ironiquement Joseph Staline au cœur du XXe siècle, sûr de la primauté des armes sur la foi. Pourtant, dans un monde ravagé par les conflits et les désillusions diplomatiques, cette vieille provocation retrouve aujourd’hui une étrange résonance. L’élection du pape Léon XIV intervient dans un contexte international marqué par une instabilité croissante. Alors que les conflits s’enlisent en Ukraine, au Moyen-Orient et dans plusieurs régions d’Afrique, le choix d’un nouveau souverain pontife interroge : quel rôle le Vatican, sous l’impulsion de Léon XIV, entend-il jouer sur la scène mondiale ?
Premier pape américain de l’histoire, Léon XIV apporte avec lui une trajectoire atypique. D’origine européenne, missionnaire et évêque au Pérou, il incarne une Église tournée vers les périphéries. Cette sensibilité, forgée au contact des plus vulnérables, le distingue dans un moment où les fractures sociales, politiques et spirituelles s’accentuent à l’échelle planétaire. Mais cette proximité avec les réalités de terrain peut-elle se traduire en un leadership diplomatique efficace ? Et surtout, en actions concrètes ?
Le Vatican, bien que microscopique par sa taille, reste un acteur de poids sur le plan international. Fort de relations diplomatiques avec 183 États et d’une présence active dans les grandes organisations internationales – ONU, UNESCO, FAO – le Saint-Siège bénéficie d’une écoute unique. Il est l’un des rares acteurs capables de dialoguer simultanément avec des puissances opposées, des gouvernements laïques et des groupes religieux, en se positionnant au-dessus des rapports de force.
En Ukraine, cette posture pourrait prendre une nouvelle tournure. Contrairement à son prédécesseur, le pape François, dont la prudence diplomatique avait parfois brouillé le message, Léon XIV a adopté dès ses premières déclarations une ligne plus nette. Il a nommé la Russie comme agresseur, marquant ainsi une rupture avec l’ambiguïté passée. Cette parole claire, dans un conflit où les symboles comptent autant que les armes, pourrait redonner au Vatican une légitimité plus forte dans les efforts de médiation. La question reste toutefois ouverte : cette posture renforcera-t-elle réellement sa capacité à favoriser un retour à la table des négociations, ou suscitera-t-elle au contraire des crispations ?
Au Moyen-Orient, où la violence continue de menacer toute tentative de stabilité, le Vatican joue traditionnellement un rôle de plaidoyer pour la coexistence religieuse. Mais le contexte actuel – des tensions exacerbées entre Israël et ses voisins, la fragmentation du Liban, la tragédie humanitaire à Gaza – appelle à une diplomatie plus active. Léon XIV, avec son expérience latino-américaine et son engagement pour les déplacés et les réfugiés, pourrait redonner une impulsion nouvelle. Son insistance sur une Église « bâtisseuse de ponts » devra cependant s’incarner dans des propositions tangibles, capables de faire dialoguer des communautés de plus en plus éloignées les unes des autres.
En Afrique, le défi est aussi humanitaire que politique. Le continent reste marqué par des conflits oubliés, des coups d’État, des famines et des déplacements massifs de population. Le Vatican, souvent présent à travers les réseaux d’églises locales, a joué un rôle essentiel dans la médiation et le développement. Léon XIV, fort de son engagement auprès des plus démunis, pourrait amplifier cette action. Mais cela demandera une vision claire et des choix forts : soutien aux processus de paix, renforcement de la diplomatie vaticane en Afrique, mobilisation des ressources de l’Église pour répondre aux urgences humanitaires.
Au-delà de ces théâtres de crise, l’élection de Léon XIV pose une question plus vaste : que peut encore le Vatican dans un monde traversé par le cynisme, les guerres d’influence et les replis identitaires ? Plus que jamais, son autorité morale peut jouer un rôle. Mais l’histoire récente montre qu’une parole forte ne suffit pas. Elle doit s’accompagner de gestes, d’initiatives, d’une présence constante auprès de ceux qui souffrent et de ceux qui décident.
Léon XIV n’aura pas le luxe du temps. Le monde attend déjà des signaux. Ses premiers pas, ses premières visites, ses premières prises de parole seront scrutés. Dans ce tumulte global, il a l’opportunité rare de réaffirmer que l’Église peut être un acteur de paix, un lieu de dialogue, un rappel que l’humanité doit primer sur les intérêts nationaux.
Mais encore faut-il qu’il transforme cette opportunité en engagement durable. L’histoire jugera Léon XIV non à ses intentions, mais à sa capacité à faire entendre une voix différente, à l’heure où le vacarme des armes et des idéologies domine la scène internationale. Et peut-être, si cette voix trouve un écho, faudra-t-il alors répondre autrement à la question cynique de Staline : combien de divisions ? Assez, peut-être, pour faire la paix.
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