Dans une guerre, il faut choisir son camp. Plus on est proche des combats, et plus la neutralité n’est qu’une pure illusion. Et les zélateurs de la paix s’avèrent être soit des idiots utiles d’un camp ou, pire, des mercenaires d’influence. Pourtant, rien n’interdit quand on a choisi son camp d’abdiquer toute raison et toute nuance. Mme Colin Lebedev fait partie de ces gens qui savent ce qui se trame en Ukraine depuis 2014. Elle n’hésite pas à nommer un chat un chat et dire clairement qui est l’agresseur et qui est l’agressé dans la guerre qui oppose la Russie et l’Ukraine.
Son chemin n’a pourtant rien d’évident car elle est un pur produit du monde russe soviétique. Ce monde dans lequel l’Ukraine n’existe que par rapport à une Russie Soviétique qui dicte la norme et définit l’avenir. Elle explique très bien le choc qu’a été pour elle de comprendre que non seulement l’Ukraine n’est pas la Russie mais qu’en plus la culture ukrainienne n’est vraiment pas la culture russe.
Si elle se montre sans illusion sur les responsabilités de cette guerre, elle reste avant tout une chercheuse qui met en œuvre des outils d’analyse. Et ce n’est pas un hasard si en plus du titre, chaque partie de ce livre est une question. Pour explorer la question inaugurale « Jamais frère ? », Mme Colin Lebedev articule son livre autour de trois questions : « Une même histoire ? », « Un même peuple ? » et « Un même horizon ? »
Chaque question est pour elle l’occasion d’analyser les différences et les similitudes entre les deux peuples qui se déchirent actuellement à l’Est de l’Europe.
Chacun peut lire le livre en se faisant sa propre idée. L’auteur ne reprends pas les narratifs de chaque camp même si son cœur est clairement du côté du peuple ukrainien. Au contraire, elle décortique chaque narratif et montre en quoi ils répondent aux attentes exprimées par chaque peuple pour alimenter cette guerre.
Ce livre est-il utile ? Je le crois sincèrement. A notre niveau déjà, car il aide à comprendre ce qui se joue en Ukraine au-delà des discours simplificateurs de chaque camp. Mais, et c’est ce qui me le rends cher, pour son objectif affiché dès la conclusion de l’introduction que je me permets de citer in extenso « Aucun livre ne suffira à combler le gouffre et panser l’immense blessure de la guerre. Ce texte se veut cependant un pas dans une direction qui me semble essentielle : ne pas renoncer à connaître et comprendre l’autre ».
A lire de toute urgence donc. Surtout pour ceux qui ont appris la culture russe et qui se retrouve aujourd’hui à front renversé contre les représentants de la culture qu’ils ont appris à connaître et à chérir.
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