Sofia Kovalevskaïa est une mathématicienne russe née au XIXe siècle. Spécialisée dans les équations aux dérivées partielles, elle a aussi été professeur, écrivain et activiste politique. Ces quelques éléments peuvent déjà déclencher l’intérêt pour sa vie. Il me semble que deux autres raisons rendent intéressante ce livre.
Les femmes en science ont souvent été invisibilisées. Et les mathématiques n’échappent pas à ce mouvement d’ensemble. Les souvenirs d’enfance et surtout sa biographie écrite par une amie proche, Anne-Sophie Leffler sœur du mathématicien Mittag-Leffler, raconte une époque où la place des femmes dans la société russe et européenne connait ses premières remises en question qui mèneront aux combats féministes du XXe siècle. On lit à travers les pages de ce livre à la fois l’accumulation des préjugés mais aussi que finalement ces préjugés étaient déjà jugés peu crédible par beaucoup de leurs contemporains. Mais pour autant la société dans son ensemble par inertie essayait de maintenir la fiction sur le rapport des femmes à la science et aux arts.
Une autre raison est l’actualité car ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine résonne étrangement avec les souvenirs de l’insurrection polonaise contemporaine de Sofia Kovalevskaïa. Un chapitre entier est consacré à la manière dont l’empire russe a réprimé toute velléité d’indépendance polonaise. Les méthodes d’expropriation, d’humiliation et de promotion de sbires devant tout au pouvoir impérial ressemble étrangement aux méthodes utilisées par la fédération de Russie dans les territoires occupés en Ukraine. Ceci nous rappelle à quel point la mentalité impérialiste à la peau dure.
La place des mathématiques n’est pas ce qui saute aux yeux dans ce livre. A part quelques notes et quelques lettres de Weierstrass à Kovalevskaïa, il n’y a quasiment aucuns concepts mathématiques et de formules. C’est vraiment une manière de fréquenter pendant la lecture une Europe centrale et de l’Est que nous connaissons finalement très mal en France. Un beau voyage qui nous éclaire sur notre présent.
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