Lettre Texane

Au moment où j’écris ces mots Hank Skinner est encore vivant. Son histoire est hallucinante dans une démocratie car, pour endosser la faute d’un crime, un coupable a été désigné. Qu’il soit l’auteur ou non de ce crime importe peu : il a été désigné comme coupable et la justice de son pays l’a condamné à mort.

S’il vous faut une preuve de cette affirmation qui peut paraitre choquante, elle vient d’être apportée par la cour suprême des États-Unis trois quart d’heure avant l’heure prévue de son exécution. En accordant un sursis pour vérifier la recevabilité comme preuve d’un cheveu trouvé sur le lieu du crime, elle considère que ce qui, en bonne logique, aurait du être considéré comme un élément nécessaire à la manifestation complète de la vérité a été écarté de l’enquête.

Cela montre aussi qu’il ne peut y avoir de bonne justice là où il y a la peine de mort. C’est la seule peine qui ne peut être révisée, avec elle, il ne peut y avoir d’erreur mais uniquement des fautes.

En France, où le fonctionnement de notre justice peut être tout autant critiqué, nous échappons à cette faute grâce à cette loi Badinter qui reste un grand moment de notre république. Pour autant, à la lumière de la réforme à venir de notre justice, nous devrions regarder attentivement ce type d’affaire.

En effet, sans détenir la vérité, nous pouvons faire une hypothèse légitime sur l’innocence de M. Skinner. Quel mécanisme peut ainsi entrainer un homme à être désigné coupable en écartant systématiquement toute hypothèse alternative ?

Au Texas, si le parquet est indépendant, il ne mène que l’enquête qu’à charge avec l’aide de la police locale. Or, cette police est très loin de porter M. Skinner dans son cœur. Cela peut expliquer des négligences dans la manière de trouver des arguments à décharge.

Face au parquet, l’accusé doit avec l’aide de ses avocats trouver les arguments et les preuves pour défendre sa cause.

Lutte qui peut être extrêmement inégale selon les moyens dont chaque camp peut disposer. De quoi mettre en doute la capacité d’un juge et d’un jury pour trier le bon grain de l’ivraie si, par exemple, on ne leur présente que des preuves à charges et que l’accusé est incapable de réunir les preuves à décharge.

Cette organisation est celle vers laquelle la justice française risque d’être entrainée. Avec la différence de taille que le procureur n’aura pas l’indépendance dont les procureurs américains peuvent se targuer.

Ne nous trompons pas de combat, il s’agit de la vie d’un homme condamné à mort sans avoir eu le droit à un procès équitable. Mais s’élever contre la condamnation d’Hank Skinner, c’est aussi lutter pour la liberté de tous : un peuple qui accepte une condamnation dans ses conditions à plus à craindre de la justice qu’à en espérer. Que ce soit au Texas ou à Outreau.

Liens intéressants :

Site officiel d’Hank Skinner

Portrait d’Hank Skinner sur le site abolition.fr

Sursis pour Skinner, euphorie devant la prison de Huntsville (LCI)

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